2ème étape – Châteauneuf-du-Pape

Châteauneuf-du-Pape : soleil, mistral... et grenaches !

Depuis 1936, l'appellation offre des vins blancs et rouges dont la renommée n'est plus à faire. Puissance, concentration mais aussi finesse dans un environnement privilégié, où le soleil et le vent jouent un rôle fondamental dans l'expression qualitative du grenache... et de ses compagnons d'assemblages.

Un terroir privilégié de 3.200 hectares

L’aire d’appellation Châteauneuf-du-Pape, délimitée en 1933, est située sur la rive gauche du Rhône, entre Orange et Avignon. Elle s’étend sur 3.200 hectares, sur les communes de Châteauneuf-du-Pape, Courthézon, Bédarrides, Orange et Sorgues.

Grâce au Baron le Roy et au sénateur Capus, Châteauneuf-du-Pape a bénéficié du premier décret AOC, le 15 mai 1936. Aujourd’hui 320 vignerons, dont une grande majorité installés en cave particulière, produisent des raisins destinés à être vinifiés en AOC Châteauneuf-du-Pape.

Le vignoble castelpapal doit son ensoleillement privilégié à l’action du Mistral qui réduit la pluviométrie et surtout ses effets les plus néfastes sur la vigne.

Son terroir bénéficie d’une grande diversité de sols, et en particulier de gros galets roulés reposant sur des argiles rouges. Il existe également des terroirs de sables (au nord-est) et d’éclats calcaires (à l’ouest).

 

Grenaches and co.

Les Châteauneuf-du-Pape peuvent être issus de dix-huit cépages : grenache (noir, blanc, gris), syrah, mourvèdre, cinsault, vaccarèse, counoise, muscardin, picpoul (blanc, noir, gris) terret, roussanne, clairette (blanche et rose), bourboulenc et picardan. De faibles rendements, 35 hl/ha au maximum, la vendange manuelle ainsi que le tri obligatoire de la vendange (2% minimum), sont autant de garanties de la constance et de la qualité des vins de ce grand cru de la Vallée du Rhône.

Les vins se déclinent en blanc (7 % du volume total) et en rouge (93 %). Les Châteauneuf-du-Pape Blancs se caractérisent dans leur jeunesse par des arômes de fruits à chair blanche et de fleurs blanches (amandiers, cerisiers). Ils conjuguent la fraîcheur et l’amplitude. Dans des millésimes chauds, ils développent des arômes de fruits exotiques et bénéficient d’une bouche grasse. Ce sont des vins de gastronomie.

Les Châteauneuf-du-Pape Rouges réussissent le rare équilibre d’être à la fois puissants et fins. Sur les millésimes chauds, ils développent une superbe concentration en bouche. Le nez est marqué par la griotte, la réglisse, le poivre et la figue. Au vieillissement, ils prennent des notes d’épices douces, de truffe, de garrigue et de cuir. Ce sont des grands vins de garde.

Particularité commerciale de l’Appellation, Châteauneuf du Pape réalise 75 % de ses ventes à l’export, principalement vers les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Europe du Nord et l’Asie du Sud Est.

Entretien avec Michel Blanc, directeur de l'AOP Châteauneuf-du-Pape

  • Châteauneuf du Pape est un mot qui symbolise le grenache par excellence : comment expliquez-vous cette relation privilégiée ?

Minoritaire avant la crise du phylloxera, le grenache, dans ses trois couleurs est désormais majoritaire dans l’encépagement de l’appellation Châteauneuf-du-Pape. Colonne vertébrale de nos vins, il les structure, les enrobe, leur apporte une suavité à nulle autre pareille.

Si les quarante dernières années ont vu la syrah progresser en surface, l’heure est désormais à la diversification avec le retour en grâce de la counoise, du cinsault, du vaccarèse… cépages délaissés pour ne pas dire oubliés, qui retrouvent en ce début de 21ème siècle leur place légitime aux côtés du grenache à l’heure où le changement climatique impose à chacun de se poser les bonnes questions et de se projeter dans les prochaines décennies.

Frais et élégant au nord-ouest de l’appellation, là où le Mistral souffle en trombe, plus chaleureux sur le sud où le soleil levant inonde de sa lumière les coteaux caillouteux… soyeux sur les sables, tanniques sur les plateaux, chaque microclimat de la colline de Châteauneuf-du-Pape, unité géographique plus que géologique, permet de confirmer l’une des principales qualités du grenache, sa capacité à révéler les terroirs plutôt qu’à s’exprimer de façon variétale.

C’est pour cette raison, notamment, que l’on a coutume de dire ici à Châteauneuf-du-Pape, que notre richesse réside dans l’incroyable diversité des vins que l’on y produit. Et qu’il n’y a donc pas un style mais des styles. Quoi de plus différent en effet qu’une cuvée parcellaire de vieilles vignes de grenache et un GSM « typique » où 20 % de syrah et 5 % de mourvèdre vont venir complémenter une forte base de grenaches issus de multiples parcelles ?

  • Le concours des Grenaches du Monde est né dans une autre grande terre de grenache, le Roussillon : qu’apporte à vos yeux cet événement itinérant spécialisé dans ce cépage ?

À une époque où l’information prime sur la formation, où les flux de datas et « retours sur panels » inondent la filière, il est bon, une fois par an, de suspendre le temps et de se retrouver, professionnels, prescripteurs, journalistes, consommateurs… pour partager nos expériences, nos visions et, bien évidemment, nos émotions.

Grenaches du Monde est l’incarnation de cette « suspension » du temps où après la dégustation, vient le temps de la réflexion. Je ne suis pas sûr que cela produirait les mêmes effets si nous avions affaire à un cépage « acteur » de la globalisation ? Grenaches du monde donne du sens au mouvement de « réhabilitation » du grenache initié au début des années 2000 par les conviviums Slow Food Roussillon, Tarragone et Châteauneuf-du-Pape. Il donne du sens car il agit comme une interface entre producteurs et consommateurs. Perdus dans la jungle de trop nombreux signes de qualité, de trop nombreux indicateurs, les consommateurs, qui ne sont pas tous des œnophiles patentés ont besoin de repères, et je pense, j’en suis même persuadé, que Grenaches du monde a cette capacité à former puis informer les consommateurs qui ont envie de mieux connaitre l’immense richesse de ce cépage éminemment symbolique de la viticulture méditerranéenne.

  • Cet événement se caractérise par une collaboration entre régions productrices : comment expliquez-vous cette prouesse ?

Les régions où domine le grenache, à quelques exceptions près, se situent sur le pourtour méditerranéen. Nous avons donc tous en commun si ce n’est une langue, à tout le moins une histoire et une culture que l’on peut dater chez nous à l’arrivée des phocéens à proximité de l’embouchure du Rhône en 600 avant Jésus Christ.
Depuis, échanges commerciaux, conquêtes, constructions des voies romaines puis développement de l’église catholique ont abouti à ce que la vigne conquiert nos régions, puis nos pays respectifs, et qu’au milieu de ce bouillonnement viticole émergent des cépages plus adaptables que d’autres, tel le grenache qui nous unit aujourd’hui, dans nos différences, dans les multiples expressions de nos terroirs et de nos cultures alimentaires, tel un lien puissant, issu des forces de la terre et de la lumière céleste.

  • Enfin, un ou des « coups de cœur grenache », vin ou région que vos voyages (ou les Grenaches du Monde !) vous ont permis de découvrir ?

Grâce aux Journées Internationales du Grenache dont la première édition s’est tenue il y a tout juste vingt ans à Perpignan, puis à Châteauneuf-du-Pape et à Tarragone avant de revenir à Collioure, nous avons eu l’opportunité de visiter de nombreux régions productrices de grenache. Mes souvenirs sont donc nombreux, pour ne pas dire très nombreux.

Je peux bien évidemment parler de la grandeur des Banyuls, de la beauté des Maury, des cuvées spéculatives des Priorat et de la sincérité des grenaches issus de vignes plantés au milieu des oliviers de Montsant et de Terra Alta. Mais quand j’ai dit cela, je n’ai pas tout dit. Il me faut aussi évoquer les sauvages Minervois, les puissants Rasteau et l’incomparable couleur des Tavel.

J’en terminerai, sur les grands souvenirs que j’ai de récents voyages en Sardaigne où j’ai non seulement découvert d’autres expressions de grenaches mais aussi un arrière-pays peu affecté par le tourisme de masse, un pays rural, riche de traditions, rude et sincère à la fois. J’y ai vu des vignes préphylloxériques…. J’y ai donc vu l’histoire, le monde d’avant…. Que d’aucuns perpétuent pour sauvegarder un patrimoine génétique menacé de disparition… et que l’on peut trouver dans quelques vignobles privilégiés de cet immense et lointain pays qu’est l’Australie. Lointain mais uni à notre histoire par les vieux grenaches qui y prospèrent depuis de nombreuses décennies.

Lieu du concours

Châteauneuf-du-Pape