Le Sénégal et l'Union africaine (UA) ont signé un accord, mercredi 22 août, établissant des chambres spéciales pour juger l'ancien président du Tchad, Hissène Habré, soupçonné de crimes contre l'humanité et torture commis entre son coup d'Etat du 7 juin 1982 et le 1er décembre 1990, jour où il était déposé par Idriss Déby. Cet accord marque un tournant dans une bataille politico-judiciaire engagée il y a douze ans par des victimes du régime Habré.
Ses vingt années d'exil doré à Dakar ont pris fin, en mars, avec l'élection du nouveau président Macky Sall. "Cet accord est l'expression d'une volonté politique", affirme Aminata Touré, ministre de la justice du Sénégal, jointe par téléphone. "Macky Sall avait clairement annoncé que la lutte contre l'impunité serait un pilier important de son mandat", rappelle-t-elle. "Le Sénégal a signé la convention contre la torture, il est important de tenir parole."
L'accord du 22 août établit que le procureur sera Sénégalais, comme la majorité des juges. Les présidents de la cour d'assises et de la cour d'appel seront choisis parmi les magistrats du continent avec l'aval de l'UA. Maître François Serres, avocat de Hissène Habré, se dit "scandalisé par cette mascarade judiciaire. C'est une farce de créer un tribunal en pointant un homme du doigt", commente-t-il. "L'Union africaine n'a pas pour mandat de donner un individu en pâture à la justice", ajoute l'avocat, qui y voit "une violation du principe de séparation des pouvoirs".
LEVER LES OBSTACLES POLITIQUES
Mais le gouvernement sénégalais compte aller vite. L'accord devrait être déposé devant le Parlement en septembre. L'instruction pourrait démarrer dès le mois d'octobre et commencer par des demandes de coopération judiciaire au Tchad et à la Belgique, qui ont déjà enquêté sur les crimes du régime Habré.
Du Serbe Slobodan Milosevic au Libérien Charles Taylor, l'histoire a montré que traquer un chef d'Etat consiste à lever les obstacles politiques placés entre lui et ses juges. Pour Hissène Habré, cette traque a commencé en janvier 2000. Des victimes tchadiennes avaient alors porté plainte à Dakar pour torture. La justice sénégalaise se déclarant incompétente, les victimes s'étaient alors tournées vers Ndjaména, puis Bruxelles. C'est là qu'un juge d'instruction se saisit de l'affaire, conduit une commission rogatoire au Tchad, et émet, en 2005, un mandat d'arrêt contre l'ancien chef de l'Etat. Par cinq fois, Bruxelles demandera son extradition.
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