Bombardement

Au Mali, une frappe meurtrière de Barkhane entourée de doutes

Des avions de chasse français ont mené un raid dimanche après-midi contre une position jihadiste, selon l'état-major. Mais des habitants affirment qu'un mariage a été bombardé.
par Célian Macé
publié le 6 janvier 2021 à 7h21

Dimanche après-midi, dans le centre du Mali, des avions de l'armée française ont frappé et tué un groupe de personnes. «Des combattants jihadistes» dûment identifiés grâce à une «masse de renseignements», affirme le colonel Frédéric Barbry, porte-parole de l'état-major des armées. Le même jour, des villageois et une association malienne ont dénoncé le bombardement aérien d'un rassemblement de civils, en marge d'un mariage.

Frappe d’une «patrouille d’avions de chasse»

Les deux événements ne feraient-ils qu'un ? Si elle était vérifiée, cette hypothèse poserait la question d'une bavure de l'opération française Barkhane au Sahel. L'heure et le lieu, en tout cas, semblent correspondre. L'association peule Jeunesse Tabital Pulaaku a publié un communiqué lundi après-midi évoquant une «frappe aérienne» qui «a coûté à la vie à une vingtaine de personnes civiles dans le village de Bounti (cercle de Douentza)». Selon Aminata Dicko, de l'Observatoire Kisal, qui a pu s'entretenir au téléphone avec un rescapé, le bombardement s'est produit dimanche «entre 14 heures et 15 heures». Des villageois interrogés par l'AFP ont mentionné, eux, des tirs venus d'un hélicoptère non identifié.

Contacté par Libération, le colonel Barbry indique qu'une frappe d'une «patrouille d'avions de chasse» de Barkhane a bien été effectuée «dimanche aux environ de 15 heures» après une «opération de renseignements de plusieurs jours». Elle a été menée «dans la région de Douentza, entre Ferendi et Douentza, au nord de la RN16, à 90 kilomètres à l'ouest de Hombori». La localisation du village de Bounti correspond exactement à cette description. Le comportement des individus, leur équipement et le recoupement du renseignement «excluent autre chose qu'un rassemblement jihadiste comme Barkhane en frappe régulièrement», a insisté l'état-major des armées. «Il ne peut y avoir de doute et d'ambiguïté : il n'y avait pas de mariage», a assuré un responsable militaire français, cité par l'AFP.

Une enquête initiée

Selon le témoignage recueilli par Aminata Dicko, le groupe d'hommes était éloigné des femmes car il participait à une «cérémonie de mariage» sur deux jours. La frappe a été très rapide : le survivant, blessé, dit s'être «évanoui» sous la violence du choc. Selon une liste nominative – non vérifiée – diffusée par la même association Tabital Pulaaku, 18 personnes auraient perdu la vie. D'après un habitant d'un village voisin, des combattants islamistes, très implantés localement, étaient bien présents «à un moment donné» à Bounti, pour surveiller le mariage. Ce sont eux qui auraient exigé que les hommes soient séparés des femmes.

Barkhane a-t-il pu traquer les jihadistes jusqu’à Bounti pour les bombarder ? S’étaient-ils mélangés à la population des invités du mariage ? Y a-t-il eu méprise sur la cible ? Les futures investigations le diront certainement. Encore faudrait-il qu’elles soient menées. Ni le gouvernement ni l’armée malienne ne s’étaient officiellement exprimés sur le sujet mardi soir. La division des droits de l’homme des Nations unies a annoncé avoir initié une enquête.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique

Les plus lus