Skip to main content

Niger : Hausse des atrocités commises par des groupes islamistes armés

Plus de 420 civils ont été tués lors d’attaques et de massacres perpétrés en 2021

Des villageois se trouvent devant un charnier contenant les corps des civils tués lors de l’attaque du 21 mars 2021, par des groupes islamistes armés, contre des villages dans la région de Tahoua, Niger. Plus de 170 villageois ont été tués lors de l’attaque, la pire atrocité de l’histoire récente du Niger. © 2021 Privé

(Bamako) – Des groupes armés islamistes ont tué plus de 420 civils et provoqué le déplacement de dizaines de milliers de personnes lors d’attaques perpétrées dans l’ouest du Niger depuis janvier 2021, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch. Les groupes islamistes armés devraient cesser tous les abus contre les civils et les autorités nigériennes devraient intensifier leurs efforts pour protéger les villages vulnérables.

Des témoins ont déclaré à Human Rights Watch que des combattants islamistes armés étaient entrés dans leurs villages à moto, tuant des hommes et des garçons et incendiant maisons et greniers. Les assaillants ont exécuté sommairement des civils à leur domicile, après les avoir contraints à sortir des transports en commun, à s’éloigner de puits, à quitter les funérailles auxquelles ils assistaient, ou encore pendant qu’ils s’occupaient de leurs cultures ou abreuvaient leurs animaux. Parmi les victimes figurent des chefs de village, des imams, des personnes handicapées et de nombreux enfants, certains ayant été exécutés après avoir été arrachés des bras de leurs parents.

« Des groupes islamistes armés semblent mener une guerre contre la population civile dans l’ouest du Niger », a constaté Corinne Dufka, directrice du Sahel à Human Rights Watch. « Ils ont tué, pillé et brûlé, semant dans leur sillage mort et destruction et brisant des vies. »

Du 23 juin au 4 juillet, Human Rights Watch s’est rendu au Niger et s’est entretenu avec 44 témoins d’exactions et 16 autres personnes, dont des chefs communautaires peuls, touaregs et zarmas ; des autorités locales et des responsables sécuritaires ; des membres d’organisations nigériennes de défense des droits humains ; et des diplomates étrangers. Human Rights Watch s’est entretenu avec cinq autres témoins en juillet par téléphone.

Les neuf attaques documentées par Human Rights Watch ont eu lieu entre janvier et juillet dans des villes, villages et hameaux des régions occidentales de Tillabéri et Tahoua, situées près des frontières du Mali et du Burkina Faso. Depuis 2019, cette zone a connu une hausse spectaculaire des attaques contre des cibles militaires et, de plus en plus, contre des civils par des groupes islamistes armés affiliés à l’État islamique et, dans une moindre mesure, à Al-Qaïda. Ces groupes ont également détruit des écoles et des églises et imposé des restrictions s’appuyant sur leur interprétation de l’islam.

Le 21 mars, des combattants islamistes armés ont tué au moins 170 Touaregs dans la région de Tahoua, dans l’attaque contre des civils la plus meurtrière de l’histoire récente du Niger. « Une mère a jeté ses bras autour de son fils de 17 ans, mais les djihadistes l’ont rouée de coups sans pitié, jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus le tenir, avant d’exécuter le garçon devant elle », a déclaré un témoin.

Un villageois a décrit les deux attaques perpétrées le 2 janvier contre Tchomabangou et Zaroumdareye au cours desquelles 102 civils, presque tous de l’ethnie Zarma, ont été tués : « Alors que les djihadistes patrouillaient dans la ville, je les ai vus tuer des gens à bout portant, leur tirant parfois deux à trois fois dessus pour être sûr qu’ils étaient morts. »

Toutes les parties au conflit armé au Niger sont contraintes par l’article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 et à d’autres traités et lois coutumières de la guerre. Les lois de la guerre interdisent les attaques contre les civils et les biens civils et les mauvais traitements infligés à toute personne détenue. Les personnes qui commettent de graves violations des lois de la guerre, y compris des exécutions sommaires et des actes de torture, peuvent être poursuivies pour crimes de guerre. Le gouvernement du Niger a l’obligation d’enquêter et de poursuivre de manière appropriée les crimes de guerre présumés commis sur son territoire.

Human Rights Watch a déjà fait état des abus commis par les forces de sécurité du Niger, notamment plus de 150 meurtres et disparitions forcées présumés lors d’opérations antiterroristes menées en 2019 et 2020. Une enquête de la Commission nationale des droits de l’homme du Niger a documenté la disparition forcée de 102 de ces personnes et localisé 71 de leurs corps dans des fosses communes.

Les autorités nigériennes devraient prendre des mesures urgentes pour mettre fin à la recrudescence de meurtres de civils, a déclaré Human Rights Watch. À cette fin, elles devraient établir des réseaux d’alerte rapide, réduire les délais de réponse de l’armée aux villages menacés et créer des comités formés de civils, de forces de sécurité et d’organisations de la société civile pour identifier et répondre aux besoins urgents de protection.

« Après avoir massacré mon peuple, les djihadistes ont mis du temps à se déplacer à cause du bétail qu’ils avaient volé », a déclaré un villageois. « Notre armée avait amplement le temps de les poursuivre, mais elle ne l’a pas fait. »

« Les gouvernements partenaires devraient aider les autorités nigériennes à mieux protéger les civils contre ces attaques horribles et meurtrières et augmenter l’assistance fournie au nombre croissant de déplacés », a conclu Corinne Dufka.

Pour de plus amples détails au sujet des attaques, veuillez consulter les témoignages ci-dessous.

Pour consulter d’autres communiqués de Human Rights Watch sur le Niger, veuillez suivre le lien :

https://www.hrw.org/fr/africa/niger

Le conflit au Niger

Depuis 2015, des islamistes armés ont mené des attaques contre des forces de sécurité nigériennes et des civils. Jusqu’en 2019, la plupart de ces attaques ont été perpétrées dans le sud-est du Niger par les groupes nigérians Boko Haram et l’État islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP). À partir de 2019, les groupes islamistes armés ont intensifié leurs attaques dans l’ouest du Niger. Plusieurs de ces attaques – visant des soldats, des bases militaires et des civils – ont été revendiquées par des groupes affiliés à l’État islamique, mais des groupes alliés à Al-Qaïda en auraient également menées, notamment près de la frontière burkinabé.

Le conflit armé dans l’ouest du Niger est accentué par des tensions intercommunautaires. Partout dans le Sahel, les groupes armés islamistes ont concentré leurs efforts de recrutement sur les nomades peuls, attisant les tensions préexistantes entre les peuls et diverses populations agraires – dont les Zarmas, dominants dans la région de Tillabéri --, et certains clans touaregs dans la région de Tahoua. Leur rivalité porte principalement sur l’accès aux terres et à l’eau, et comporte également des accusations de banditisme.

À quelques exceptions près, les civils tués lors des attaques islamistes armées documentées par Human Rights Watch en juin et juillet appartenaient aux ethnies Zarma et Touareg. Bien que certains Zarmas aient rejoint les rangs des groupes armés islamistes, la communauté est largement perçue comme étant fidèle à l’État nigérien. Les dirigeants peuls affirment que d’autres groupes ethniques et des forces de sécurité les blâment, en les soumettant à des punitions collectives pour leur soutien présumé aux islamistes armés. La plupart des personnes tuées par les forces de sécurité nigériennes en 2019 et 2020 étaient des Peuls et, dans une moindre mesure, des Touaregs.

Les dirigeants communautaires et les analystes craignent que la violence communautaire croissante ne débouche sur la formation de milices ethniques d’autodéfense, qui pourraient entraîner des conséquences encore plus meurtrières.

Hausse dramatique des attaques contre les civils en 2021

Des villageois de l’ouest du Niger ont déclaré que des islamistes armés étaient présents dans la région pendant plusieurs années sans avoir commis dans la plupart des cas, d’exactions contre les civils, mais qu’à partir de 2019, ces groupes sont devenus plus menaçants et violents. Les anciens des circonscriptions administratives de Banibangou et de Tondikiwindi dans la région de Tillabéri citent comme tournant une série d’exécutions de chefs de village en novembre 2019.

Des dizaines de villageois ont déclaré que depuis 2019, des islamistes armés alliés à l’État islamique et basés au Mali imposent de plus en plus des politiques répressives à la population. Ils ont donné comme exemple une déclaration du groupe qui considère comme haram (interdit) de fumer ou de vendre des cigarettes, de consommer de l’alcool, d’écouter de la musique, de porter certains vêtements et, pour les hommes, de se mêler aux femmes. Les villageois ont rapporté que les islamistes armés ont fermé des écoles, détruit des magasins vendant des cigarettes et roué de coups des personnes qui refusaient d’adhérer à leur interprétation de l’islam. Ils ont également fait pression sur la population pour qu’elle fournisse des recrues et qu’elle s’acquitte de la zakat, ou impôt islamique, généralement sous forme de bétail, d’argent ou de céréales.

Les groupes ont menacé et attaqué les villageois qui ont rejeté leurs exigences, leur ont donné des ultimatums pour partir et ont pillé leur bétail – parfois des troupeaux entiers –,détruit des champs et des greniers, et plus récemment, tué des agriculteurs dans leurs champs. Un ancien de la zone administrative de Banibangou, durement touchée, a déclaré que les groupes islamistes armés y avaient détruit 147 greniers depuis le début de l’année 2021.

Les villageois ont attribué la hausse spectaculaire des attaques contre les civils en 2021 à plusieurs facteurs. Tout d’abord, les villageois auraient illégalement tué des hommes peuls ou des combattants islamistes armés présumés, et des attaques en représailles auraient été perpétrées par les islamistes armés quelques jours ou semaines plus tard. Certains des hommes tués étaient des individus que la communauté zarma accusait d’être des « espions djihadistes » ou accusait de les presser de payer la zakat, mais d’autres seraient de simples villageois. Parmi eux, figuraient trois personnes se rendant au dispensaire de Tchomabangou en décembre 2020, ainsi que le chef du village de Bissaou, tué à Banibangou avec quatre autres, y compris des membres de sa famille, le 5 mai 2021.

Ensuite, il y a eu le recrutement, en 2019, par les forces de sécurité nigériennes de plusieurs centaines d’hommes des régions de Tillabéri et de Tahoua et leur déploiement dans leurs régions d’origine début 2021. Puis les villageois zarmas et touaregs se sont efforcés d’acquérir des armes à feu militaires pour former des groupes d’autodéfense locale.  Par ailleurs, certains villageois ont refusé de payer la zakat exigée par les islamistes armés, dont le montant, par représailles, était de plus en plus élevé. Enfin, ils ont cité le refus de certains villages de fournir à ces derniers des recrues ou des renseignements sur les activités des forces de sécurité nigériennes.

Trois spécialistes de la sécurité ont relevé une autre raison : les groupes islamistes armés, soumis à une pression militaire croissante au Mali, pourraient tenter, comme l’a déclaré l’un d’entre eux, de « nettoyer des zones peuplées de civils hostiles pour éventuellement se replier dans l’ouest du Niger ».

© 2021 John Emerson/Human Rights Watch

Atrocités commises dans les régions de Tahoua et Tillabéri 

Human Rights Watch a documenté neuf attaques perpétrées par des groupes islamistes armés contre ou à proximité des villages de Bakorat et Intazayene, dans la région de Tahoua, et contre Tchomabangou, Zaroumadareye, Chinedogar, Darey-Daye, Gaigorou, Danga Zawne, Fantio, Dorbel, Wiyé et Deykoukou, dans la région de Tillabéri.

Des témoins, des leaders communautaires et des spécialistes de la sécurité pensent que les assaillants étaient des islamistes armés en raison de leur modus operandi consistant d’un incident à l’autre, mais aussi parce que les villageois avaient interagi avec eux pendant plusieurs années et ont reconnu certains des combattants parmi les assaillants et enfin grâce aux propos tenus par certains d’entre eux. La plupart sont convaincus que les individus impliqués dans ces attaques étaient affiliés à l’État islamique.

Des survivants et des témoins ont déclaré que les attaques ont été promptement menées – souvent en moins d’une heure – et que presque toutes l’ont été dans des villages situés à moins de 40 kilomètres des frontières du Mali ou du Burkina Faso. Selon les spécialistes de la sécurité, dans presque tous les cas, les assaillants sont arrivés au Niger depuis des bases situées au Mali ou au Burkina Faso.

Les villageois ont déclaré que les assaillants se déplaçaient à moto, généralement par deux sur chaque moto, et étaient vêtus de tenues militaires, de boubous ou de jeans. La plupart portaient des gilets ou des cartouchières militaires, beaucoup étaient chaussés de bottes militaires appelées « rangers » et arboraient des turbans ou des cagoules.

Leur arsenal était composé de fusils d’assaut semi-automatiques Kalachnikov, de pistolets, de lance-grenades propulsés par fusée (RPG) et de mitrailleuses lourdes avec trépieds. Certains ont été observés en train de communiquer avec, ce que les témoins ont décrit comme des téléphones satellites et des talkies-walkies, ou « Motorolas ». Des témoins ont déclaré avoir entendu les assaillants s’exprimer en pulaar (dialecte peul), en tamashek (dialecte touareg) et, dans une moindre mesure, en zarma, en Gourmanché, et en arabe. Human Rights Watch est en possession des noms de 10 hommes que des témoins ont observés en train de prendre part à des atrocités.

Les dirigeants zarmas et touaregs se sont plaints avec insistance de la sécurité insuffisante dans leurs villages. Ils ont reproché à l’armée nigérienne de ne pas avoir détecté les regroupements de combattants islamistes armés avant qu’ils ne se livrent à des attaques, de ne pas avoir tenu compte des renseignements fournis par les villageois ni poursuivi les assaillants alors qu’ils s’enfuyaient au Mali.

Attaque de villages touaregs dans la région de Tahoua, le 21 mars

Des témoins ont déclaré que des dizaines de combattants islamistes armés à moto ont attaqué les villages touaregs de Bakorat et Intazayene, ainsi que les camps de nomades voisins de Warisanet et Tangaran, tuant au moins 170 personnes, presque toutes issues du clan Alfakaritine. Parmi les victimes, figurent le chef de clan, âgé de 70 ans, Bouloua Barawakass ; l’imam Al Makmoud Al Mustapha ; et 22 enfants.

« Les motos sont parties dans des directions différentes – 13 à Bakorat, 8 à Intazayene, d’autres dans des camps plus petits », a témoigné un survivant. « Ça a commencé vers 14 heures. La tuerie a été rapide, mais il a fallu quelques heures aux assaillants pour rassembler notre bétail et partir avec. »

« Ils nous ont attaqués parce que nous refusions de payer leur taxe punitive, mais aussi en représailles pour avoir refusé de donner nos enfants [comme recrues] aux djihadistes. Deux jours avant le massacre, ils nous ont donné le choix entre partir ou mourir », a relaté un ancien.

Selon une femme de Bakorat, qui a perdu 28 membres de sa famille dans l’attaque, « [i]ls se sont abattus sur le village comme une tempête de sable, tuant tous les hommes qu’ils ont croisés. Ils ont tiré sur un de mes oncles devant moi. Son fils de 20 ans a couru pour le sauver, mais il a également trouvé la mort. Nous les avons retrouvés effondrés l’un sur l’autre. »

« Nous avons trouvé les corps de plusieurs jeunes brûlés près d’une hutte. [Nous en avons trouvé] d’autres près des puits, des mosquées, et beaucoup le long des chemins séparant les différents camps, dispersés, séparés les uns des autres de quelques mètres, traqués dans leur fuite. Honnêtement, la plupart avaient reçu une balle dans la tête. Nous n’en avons retrouvé [certains] qu’en suivant le vol des vautours », un ancien du clan qui a aidé à organiser les enterrements a déclaré.

Au moins 39 personnes ont été tuées près du puits du village de Bakorat. « Ils ont lancé leur attaque de manière préméditée à l’heure même où nos hommes se rassemblent pour abreuver leurs animaux, échanger des nouvelles et discuter », a affirmé un villageois. Un survivant, qui a compté le nombre de morts, parmi lesquels plusieurs membres des mêmes familles - frères, pères et fils - a déclaré :

Ils ont attaqué le puits comme s’il s’agissait d’un objectif militaire, ouvrant le feu sur les dizaines d’hommes qui s’y trouvaient. Alors qu’ils étaient en train de les tuer, j’ai entendu les assaillants lancer : « Voici venue votre heure…pour avoir travaillé avec l’État » et demander : « Êtes-vous un vrai musulman ? », avant de dire « Allahu Akbar ! », alors bam ! bam ! bam ! Je me suis effondré en voyant le carnage… mon père, mes frères, mes cousins, mes amis gisant là, morts et mourants.

Une femme âgée de 30 ans qui vivait dans un camp touareg près d’Intazayene a fait le récit du meurtre de cinq membres de sa famille :

Les hommes venaient de quitter la mosquée. Les assaillants ont crié : « Regardez, là-bas, bloquez-les ! » Sans poser de question, ils ont sauté de leurs motos, traîné les hommes sur quelques mètres, avant de les exécuter. Deux de mes cousins, chacun âgé d’environ 16 ans, ont couru vers les femmes qui les entouraient en criant : « Non, pas les enfants ! » Les assaillants ont repoussé les femmes, attrapé les garçons et leur ont tiré dessus à bout portant. Ensuite, ils ont brûlé nos tentes, volé nos bijoux et rassemblé notre bétail. Il leur a fallu un quart d’heure pour détruire nos vies.

Un villageois de Bakorat a déclaré qu’après avoir tué les hommes, les assaillants avaient « chassé les femmes qui se cachaient dans les maisons ; saccagé et volé tout ce qui avait de la valeur ; et incendié le reste. Alors que je m’enfuyais, j’ai vu de la fumée s’élever partout dans la région. » Un autre villageois a ajouté : « Ils ont placé des vêtements, des tissus, des nattes, des couvertures, des bijoux et des céréales à bord d’une camionnette qu’ils avaient volée à Bakorat, puis se sont servi de leurs motos pour rassembler des milliers de nos bêtes. »

Une femme plus âgée a pleuré en décrivant l’impact qu’a eu sur elle la perte de son mari et de plusieurs fils : « Ils ont pris tout ce qui donne un sens à nos vies – nos maris, nos enfants, notre chef de clan, notre imam, notre bétail. Que suis-je sans eux ? Je les ai suppliés de me tuer aussi. »

Attaque de Tchomabangou et Zaroumdareye, région de Tillabéri, le 2 janvier

Huit villageois ont dit que vers 9 heures du matin, le 2 janvier, des combattants islamistes armés avaient attaqué Zaroumdareye, tuant 33 personnes, et peu de temps après Tchomabangou, à sept kilomètres de là, en tuant 69. Les anciens du village ont déclaré que la quasi-totalité des 102 victimes étaient des hommes et des garçons zarmas, et que la plupart avaient été abattus par armes à feu. Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) a déclaré que 17 enfants figuraient parmi les victimes.

Un villageois de Zaroumdareye a fait le récit suivant :

Alors que l’essaim de motos approchait, je me suis caché sous mon lit. J’ai entendu le crépitement des coups de feu, les cris d’« Allahu Akbar ! », les gens demandant pitié et le son des talkies-walkies. Après leur fuite, j’ai vu les corps… à l’intérieur et à l’extérieur des maisons, dans la rue, à côté des murs. Environ sept personnes, dont un enfant, ont été exécutées dans un ravin où elles avaient tenté de se cacher. Mais la plupart des corps étaient sur la route, tués alors qu’ils prenaient la fuite. Je les ai vus sur plusieurs kilomètres alors que je fuyais avec ma famille.

« Il semblait que les attaquants se séparaient en groupes – un pour brûler, un autre pour rassembler le bétail, un autre pour tuer…Ces derniers se promenaient en tirant sur tout ce qui bougeait. Au puits, j’ai vu huit personnes se faire tuer sous une pluie de balles », a déclaré un autre villageois.

Un fermier âgé de 25 ans terré dans sa maison avec de nombreux membres de sa famille a déclaré : « Il y a eu une explosion – comme celle d’un cocktail Molotov – la maison a pris feu. Nous avons dû prendre une décision : soit nous mourrions dans cet incendie, soit nous serions exécutés. Mais à ce moment-là, ils ont enfourché leurs motos et sont partis…nous avons attendu un peu, puis nous nous sommes échappés par la fenêtre. » Une mère a déclaré : « Alors que je m’enfuyais, j’ai vu environ cinq corps en train de brûler près du puits. J’ai placé ma main sur les yeux de mes enfants pendant que nous passions devant... aucun enfant ne devrait être témoin de telles choses. »

Après avoir attaqué Zaroumdareye, les assaillants se sont rendus à Tchomabangou. Un fermier, qui avait été blessé à la poitrine, a raconté :

Vers 10 heures du matin, les terroristes ont fait irruption dans le village…des coups de feu ont éclaté. Nous avons couru dans tous les sens. J’ai été touché, mais j’ai réussi à me traîner à l’intérieur d’une maison. Alors que les djihadistes patrouillaient dans la ville, je les ai vus exécuter de très nombreux habitants. Je craignais qu’ils ne m’attrapent ou de mourir d’une hémorragie. Plus tard, en me rendant à l’hôpital, j’ai vu le corps de mon oncle, tué près de l’endroit où nous venions de boire du thé, et plus loin, deux enfants – Yacouba et Karim – morts dans un champ.

Une femme âgée de 37 ans dont le mari, le frère et les quatre cousins ​​ont été tués, a déclaré :

Nous étions au puits…nous avons laissé tomber les bouteilles d’eau, nous avons filé vers la maison, avons attrapé les enfants et couru. Assoiffée, je me suis effondrée en chemin, j’ai appris plus tard que mon mari était mort. Ils ont volé des centaines de bêtes et des panneaux solaires pour l’appel à la prière. Ils ont brûlé le grain dont nous avions besoin pour nourrir nos enfants. Avant l’attaque, les djihadistes nous faisaient payer des taxes sur notre bétail, nous avons accepté. Ils demandaient du grain, nous leur en avons donné. Que veulent-ils de plus ?

Attaque contre des commerçants près de Banibangou, région de Tillabéri, le 15 mars

Le 15 mars, vers 17 heures, lors de deux attaques coordonnées et simultanées, des groupes islamistes armés ont attaqué cinq véhicules de commerçants de retour du marché de Banibangou. Trois véhicules étaient en route pour Chinegodar et deux pour Darey-Daye. Après les avoir contraint à s’arrêter, les assaillants ont ordonné aux passagers de s’aligner sur la route, les ont séparés sur la base de leur appartenance ethnique et de leur sexe, et ont exécuté 66 hommes et garçons, tous zarmas, à l’exception d’un conducteur. Selon l’UNICEF, six des victimes étaient des enfants âgés de 11 à 17 ans.

Un enquêteur nigérien des droits humains a qualifié ces attaques d’« incident terrible où des personnes sont clairement prises pour cible sur la base de leur ethnicité ». Un chef de la communauté zarma ayant participé aux enterrements a déclaré que « le seul non-Zarma était un chauffeur haoussa, apparemment exécuté pour avoir conduit un véhicule appartenant à un Zarma ». D’après lui, les corps ont été enterrés dans des fosses communes près des sites des attaques, dont l’une a fait 29 morts et l’autre 37.

Un commerçant ayant survécu à l’attaque a fait le récit suivant :

Nous étions à environ 30 kilomètres de Darey-Daye lorsque plus de 40 djihadistes à moto ont émergé de la brousse. Ils ont tiré en l’air en criant « Allahu Akbar ! », forcé les chauffeurs à s’arrêter, puis pénétré à l’intérieur des deux Toyota. Ils nous ont hurlé de nous aligner sur la route. Ils étaient armés d’AK, quelques-uns de lance-roquettes. Ils ont ordonné aux Touaregs et aux Peuls, reconnaissables à leur tenue vestimentaire de se mettre d’un côté ; aux femmes et aux enfants en bas âge d’un autre côté ; et aux hommes zarmas dans un troisième coin.

Nous pensions que c’était un braquage ou un enlèvement, mais quand ils ont ordonné aux Zarmas de s’allonger, face contre terre, ceux-ci savaient ce qui allait arriver et ont supplié pour avoir la vie sauve. Les djihadistes les ont arrosé de coups de feu, puis fouillé les poches des pantalons des morts et des mourants, en retirant l’argent qu’ils avaient gagné au marché.

Deux commerçants ont observé un combattant islamiste armé passer un appel avec un téléphone satellite quelques minutes seulement après le meurtre. « J’ai entendu le commandant dire : ‘‘C’est fait, nous les avons tous tués’’», a déclaré l’un d’eux. « Après avoir raccroché, il a ordonné à ses hommes de brûler les deux Toyota, comme s’il venait d’en recevoir l’ordre. »

Attaque de Gaigorou, région de Tillabéri, le 17 avril

Des combattants islamistes armés ont exécuté 19 villageois zarmas, dont neuf assistaient à des funérailles, lors d’une attaque contre le village de Gaigorou. Des témoins ont indiqué que l’attaque a duré moins d’une heure et que les assaillants avaient pris la fuite après que l’armée, basée à plusieurs kilomètres de là, a tiré des obus de mortier en direction de Gaigorou.

« Un groupe de djihadistes a attaqué le cimetière et d’autres ont pourchassé de nombreuses personnes qui s’étaient enfuies à l’approche des assaillants », a relaté un témoin.

Un vieil homme blessé au cimetière a déclaré :

Après avoir rompu le jeûne du Ramadan, nous, les hommes, nous sommes réunis au cimetière pour enterrer notre ami Sadou. Nos prières ont été interrompues par le bourdonnement de motos. Les djihadistes. En les voyant – lourdement armés d’AK, de RPG et bardés de cartouchières – nous sommes partis en courant, mais 12 d’entre nous n’y sont pas arrivés…Beaucoup d’entre nous étaient âgés et ne pouvaient pas courir assez vite. Ils nous ont interrogés sur l’endroit où était basée l’armée. Nous avons dit que nous ne savions pas, ce qui les a exaspérés.

Sans perdre de temps, ils ont crié : «Couchez-vous, maintenant !» et compté, en pulaar, « un, deux, trois… », jusqu’à atteindre 12. Puis ils ont ouvert le feu. Un djihadiste a commencé à faire le tour pour vérifier que nous étions bien morts. J’ai été touché à deux reprises, mais un autre homme s’était effondré sur moi, mort. Lorsque l’armée a tiré quelques obus de mortier, les djihadistes ont paniqué et se sont précipités en direction de la frontière malienne.

Attaque de Danga Zawne, région de Tillabéri, le 24 juin

Dix-neuf civils zarmas ont été tués par un groupe islamiste armé lors d’une attaque contre le village de Danga Zawne et quelques hameaux voisins. Six témoins ont affirmé qu’ils pensaient que les assaillants, qui « parlaient le pulaar avec un accent local », étaient basés dans et autour de leur village. Parmi les personnes tuées figuraient un homme de 27 ans qui s’apprêtait à se marier et au moins 12 agriculteurs travaillant leurs champs. Deux des morts étaient des hommes déplacés de Siwilli, un village près de la frontière malienne dont les assaillants avaient demandé les noms, selon un ancien du village.

Un homme blessé dans l’attaque a déclaré : « J’étais en route pour rencontrer le marié, Habi, lorsque la fusillade a commencé. Plus tard, j’ai vu le marié et son oncle, tous deux touchés à la tête. Ils ont volé un tissu spécial, qui devait être donné à la mariée, et ont fait irruption dans deux boutiques. »

D’autres témoins ont déclaré que des agriculteurs des hameaux voisins de Talabkoraba et de Koubikoura ont été abattus dans leurs champs, tout comme un adolescent de 15 ans, tué alors qu’il conduisait une charrette tirée par un âne pour aller chercher son grand-père dans sa ferme. Un ancien du village a déclaré que 20 greniers et 12 huttes au toit de chaume avaient été brûlés pendant l’attaque.

D’après les témoins, l’attaque a exacerbé les tensions ethniques entre les Zarmas et leurs voisins Peuls, dont la plupart, selon eux, avaient fui la région après l’attaque, par crainte de représailles.

Attaques dans la zone administrative de Téra, région de Tillabéri, mai et juin

Neuf civils ont été tués lors de trois attaques distinctes dans la zone administrative de Téra, près de la frontière du Niger avec le Burkina Faso. Au cours de ces attaques, perpétrées en mai et juin, un groupe islamiste armé a tué un directeur d’école, le propriétaire d’un magasin et un homme atteint de handicap, et pillé et détruit une église et une école.

Le 12 mai – le jour même de l’Aïd al Fitr, qui marque la fin du Ramadan – vers 7 heures du matin, des combattants islamistes armés présumés ont attaqué le village de Fantio et tué cinq Zarma. Un villageois a témoigné :

De loin, je les ai vus émerger d’une zone boisée près de la rivière, puis s’approcher de la ville. Ils ont ordonné au premier groupe d’hommes qu’ils ont rencontrés de réciter un verset du Coran – l’un était chrétien, mais il connaissait le verset, ce qui lui a sauvé la vie. Alors qu’ils avançaient, ils ont vu un homme handicapé – je pense qu’ils l’ont pris pour cible parce qu’il portait une croix…il se déplaçait avec des béquilles, donc il ne pouvait pas courir. Ils n’ont pas perdu de temps pour le tuer. Un de mes amis s’est enfui dans la voiture de son frère, mais les djihadistes l’ont rattrapé et également exécuté.

Un autre villageois a déclaré : « Un groupe a attaqué l’église – j’ai vu plus tard des bibles, des instruments et d’autres objets de l’église brûler – puis la maison du directeur de l’école, où ils ont brûlé des livres et des cahiers. Ensuite, ils ont brisé la serrure d’un magasin et volé toutes les cartes de recharge téléphonique qui s’y trouvaient. »

Lors d’une deuxième attaque contre Fantio, le 22 juin, des combattants islamistes armés présumés ont tué un policier à la retraite et un enseignant, et pillé du bétail. « Ils ont rassemblé tout le bétail du village, à l’exception des poulets et des faisans. Ils ont trouvé l’enseignant caché derrière une commode dans sa maison et l’ont tué devant sa famille. Après la deuxième attaque, des centaines de villageois ont fui vers une zone plus sûre », a déclaré un villageois qui a aidé à enterrer les morts.

Selon un témoin de l’attaque du 13 juin contre le village de Dolbel, qui a fait deux morts parmi les commerçants, « [I]ls avaient des AK, des RPG et des talkies-walkies. Leur objectif semblait plus de se ravitailler que de tuer. Ils ont fait irruption dans les magasins, ont volé tout le bétail qu’ils ont trouvé. Au bout de 45 minutes, ils se sont regroupés près du marché avec leur butin et ont filé vers l’ouest en direction du Burkina. »

Attaques contre Wiyé et Deykoukou, région de Tillabéri, les 25 et 28 juillet

Au moins 33 civils zarmas ont été tués lors de deux attaques commises dans la même zone en juillet. Parmi les victimes, figuraient des agriculteurs qui travaillaient dans leurs champs et 17 personnes tuées alors qu’elles récupéraient les corps de deux bergers tués quelques minutes avant eux.

Le 25 juillet, 14 villageois ont été tués lors d’une attaque islamiste présumée près de Wiyé. Neuf ont été abattus alors qu’ils travaillaient dans leurs champs et cinq ont été retrouvés morts le long de deux routes locales. Un témoin originaire de Wiyé qui a aidé à récupérer les corps a dit : « Six ont été tués dans le même champ à 1,5 kilomètre de Wiyé., Près des corps, j’ai vu des traces de motos, ils ont été abattus à très courte distance. »

« Lorsque nous avons entendu les motos, nous sommes partis en courant, mais ils nous ont poursuivis. Alors que je me cachais, je les ai vus tirer sur un ami à trois reprises, mais il a survécu…ils l’ont cru mort. Nous pensons que les assaillants essaient de nous chasser de notre zone », a assuré un agriculteur.

Trois villageois ont décrit l'attaque du 28 juillet à Deykoukou qui a tué 19 hommes. L'un a dit :

Vers 8h30, des coups de feu ont retenti à proximité du village. Nous nous sommes inquiétés pour deux jeunes qui venaient d’emmener leurs animaux au pâturage. Une fois le calme revenu, nous y sommes allés, dans l’espoir de les retrouver vivants. Nous avons trouvé leurs corps, à environ 300 mètres du village. Alors que nous étions sur le point de les récupérer, nous avons été pris en embuscade par les assaillants, qui se cachaient derrière des buissons et des silos à grains. Ils ont ouvert le feu encore et encore, tuant tous les hommes qui étaient à portée de tir.

Your tax deductible gift can help stop human rights violations and save lives around the world.

Région/Pays