Skip to main content

République centrafricaine/CPI : Une nouvelle chance de rendre justice

La CPI a placé en détention le premier suspect de la deuxième enquête

(Nairobi) – La Cour pénale internationale (CPI) a une nouvelle opportunité pour rendre justice aux victimes en République centrafricaine, après avoir placé son premier suspect en détention dans le cadre de l’enquête ouverte par cette juridiction sur les crimes graves commis dans le pays depuis 2012, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch.

Alfred Yékatom, surnommé « Rombhot », a été arrêté le 17 novembre 2018. Yékatom est un dirigeant anti-balaka accusé de crimes commis entre décembre 2013 et août 2014 à Bangui, la capitale du pays, et ailleurs en République centrafricaine. En 2016, Yékatom avait été élu au parlement comme représentant de Mbaiki.

« L’arrestation de Yékatom est une étape bienvenue, car elle offre à la Cour pénale internationale une nouvelle chance de rendre justice en République centrafricaine », a déclaré Elise Keppler, directrice adjointe du programme justice internationale à Human Rights Watch. « Les victimes en République centrafricaine veulent à bon droit voir les auteurs d’atrocités tenus responsables. »

Les chefs d’accusation portés contre Yékatom relèvent de la deuxième enquête ouverte par la Cour sur les crimes commis en République centrafricaine depuis 2012, lorsque les rebelles de la Séléka, majoritairement musulmans, ont évincé le président François Bozizé et se sont emparés du pouvoir en menant une campagne de violence et de terreur. Fin 2013, des milices chrétiennes et animistes connues sous le nom d’anti-balaka ont également commencé à organiser des contre-attaques contre la Séléka. Les forces de la Séléka et des anti-balaka sont toutes deux impliquées dans des atrocités systématiques à l’encontre de civils.

Yékatom est accusé par la CPI de crimes contre l’humanité, y compris de meurtre, déportation, emprisonnement, torture, persécution, disparition forcée et autres actes inhumains. Il est également accusé de crimes de guerre, notamment de meurtre, torture et traitements inhumains, mutilations, attaques intentionnelles contre la population civile, enrôlement d’enfants de moins de 15 ans et déplacement de la population civile.

La première enquête de la CPI en République centrafricaine, relative à un conflit qui s’est déroulé en 2002 et 2003, n’a toujours pas permis de tenir des individus comptables de leurs actes criminels. Cette première enquête, ouverte depuis mai 2007, n’a abouti qu’à une seule affaire, celle visant Jean-Pierre Bemba, ancien vice-président de la République démocratique du Congo, qui s’est soldée par un acquittement en appel en juin 2018.

Human Rights Watch a critiqué l’absence d’affaires supplémentaires dans le cadre de la première enquête de la CPI en République centrafricaine. Afin de garantir que justice serait rendue, Human Rights Watch avait exhorté le Bureau du Procureur de la CPI à émettre des chefs d’accusation à la hauteur des crimes graves commis dans les situations faisant l’objet d’enquêtes.

« La première enquête de la CPI en République centrafricaine a laissé les victimes sans voie de recours, la seule affaire jugée ayant abouti à un acquittement », a déclaré Elise Keppler. « Les charges retenues contre Yékatom devraient être la première de plusieurs inculpations à la CPI visant les crimes commis par toutes les parties concernées en République centrafricaine. »

Yékatom, caporal-chef dans l’armée nationale avant le conflit, s’est autopromu « colonel » lorsqu’il est devenu l’un des principaux dirigeants anti-balaka en 2013. Le 20 août 2015, Yékatom a été inscrit sur la liste des sanctions du Comité concernant la République centrafricaine, créé par le Conseil de sécurité de l’ONU, pour avoir porté atteinte à la paix et à la sécurité nationales en « se livrant ou apportant un appui à des actes […] qui menacent ou entravent la transition politique […] ou alimentent les violences ».

Human Rights Watch a déjà documenté le rôle présumé de Yékatom dans l’esclavage sexuel, bien que les accusations de violence sexuelle ne figurent pas dans le mandat d’arrêt émis à son encontre par la CPI. Dans un rapport de 2017 intitulé « Ils disaient que nous étions leurs esclaves », Human Rights Watch a relaté la manière dont une survivante de l’esclavage sexuel et cinq autres femmes et filles avaient été détenues, violées à maintes reprises et forcées à travailler trois jours durant par des hommes ayant déclaré être placés sous le commandement de Yékatom.

Les enquêtes de la CPI en République centrafricaine sont complémentaires des activités d’une nouvelle juridiction hybride dans le pays, la Cour pénale spéciale, composée de juges et de procureurs internationaux et centrafricains, ainsi des tribunaux ordinaires du pays. La Cour pénale spéciale a officiellement débuté ses travaux en octobre.

-----------------------

Tweets

Your tax deductible gift can help stop human rights violations and save lives around the world.