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Reprise du procès du massacre du stade en Guinée

Des anciens dirigeants doivent répondre de leurs actes devant les juges et les victimes

Des membres des familles de victimes du massacre commis en 2009 dans un stade de Conakry (Guinée), ainsi que des personnes y ayant survécu, faisaient la queue pour entrer dans un tribunal de Conakry le 28 septembre 2022, au premier jour du procès d’individus accusés d'être responsables de ce massacre. © 2022 Elise Keppler/Human Rights Watch

Treize ans exactement après que les forces de sécurité de Guinée ont massacré des manifestants pacifiques dans un stade de Conakry, les auteurs présumés de ce massacre sont en passe d’être jugés. Des victimes ayant survécu au massacre, ainsi que des membres de familles de victimes tuées, ont patienté dans une longue et sinueuse file d’attente pour entrer au tribunal où se tient ce procès.

Le 28 septembre 2009, des dizaines de milliers de personnes s’étaient rassemblées dans ce stade pour protester contre la candidature à la présidence du dirigeant militaire Moussa Dadis Camara, qui était alors président. Plus de 150 personnes ont été tuées : les corps jonchaient le terrain, d’autres avaient été écrasés contre des portes entrouvertes et d’autres encore gisaient au-dessus des murs du stade. Plus de 100 femmes ont été violées ce jour-là, certaines par plusieurs agresseurs.

La plupart des personnes présentes dans la zone d’observation réservée aux victimes au deuxième étage d’une salle d’audience bondée étaient des femmes, notamment des mères de victimes et des survivantes d’agressions sexuelles. Camara est aujourd’hui jugé avec une dizaine d’autres hommes.

« Cela fait 13 ans que nous attendons ce procès. Nous nous demandions s’il se tiendrait un jour », nous a confié une victime mercredi. Une autre a déclaré à la veille du procès : « J’ai connu trop de traumatismes pendant 13 ans. Aujourd’hui, je me sens soulagée. Je veux que les auteurs répondent de leurs actes et qu’ils soient punis ».

J’ai entendu les murmures de ceux qui étaient assis près de moi lorsque les accusés ont été introduits dans la salle, et j’ai alors compris l’énormité de ce qui se passait. Voir un ancien président, d’anciens ministres et plusieurs autres accusés répondre devant la justice de leur rôle présumé dans des atrocités était une première en Guinée.

J’ai passé près de vingt ans de ma vie à faire pression pour que des poursuites soient engagées contre les pires crimes commis à travers le monde, et je ne sais que trop bien à quel point il est rare que les victimes assistent au procès de personnalités de premier plan, en particulier devant une juridiction nationale.

En tant que parties civiles, les victimes jouent un rôle important dans ces procédures. Leurs avocats ont plaidé pour une couverture médiatique totale, notamment la retransmission en direct de l’audience, « afin que tout le peuple de Guinée puisse savoir ce qui s’est passé ». Les juges ont accepté.

Dans la salle d’audience, les crimes ont été lus à haute voix. Les juges ont demandé à chaque accusé s’il avait un avocat, ordonnant que des avocats soient désignés d’office pour les deux prévenus qui n’en avaient pas. Les avocats des victimes et des accusés ont demandé plus de temps pour examiner le dossier, et les juges ont annoncé que l’audience était suspendue jusqu’au 4 octobre.

Si le véritable travail ne fait que commencer, une page d’histoire a donc bien été écrite. Pour que justice soit rendue pour les atrocités commises en Guinée – et pour que la justice guinéenne devienne un exemple de crédibilité dans le reste du monde – il faut non seulement que ce procès se tienne, mais aussi qu’il oblige de manière équitable et impartiale les individus responsables à rendre des comptes.

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