Trophée des plumes 2023 - Eveil
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Trigger Warning : il est question de viol dans ce texte.

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Publié le 05 mai 2023
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Extrait

TROPHEE DES PLUMES 2023 « Tu dors et je veille » Caractères : 6347 (Espaces compris) Titre : Eveil Autrice : Fanny HOCQUEZ COULIBALY Eveil Je dois parlerde Đet iŶstaŶt. Cet iŶstaŶt Ƌui a duƌĠ uŶe ĠteƌŶitĠ. Cet iŶstaŶt d’apƌğs, Ƌui Ŷ’eŶ fiŶissait pas. Cet iŶstaŶt d’apƌğs celui oùj’ai dit …"No, espérate, vas demasiado rápido" Non, attends, tu vas trop vite J'ai dit Non J'ai dit Attends J'ai dit Tu vas trop vite ... Une minute avant On s'allonge, nus sous les couvertures, bisous, caresses, déjà trop brefs, tu es sur moi, déjà, ... déjà ? ta main ouvre mes cuisses Je dis ... Une semaine avant Je pleure, tu me quittes, j'ai le Đœuƌ ďƌisĠ,sûre de ne plus jamais aimer personne après toi sûre aussi que tu ne peux que te tromper et c'est moi qui te propose cette dernière nuit celle où je dis Non, attends, tu vas trop vite ... Un mois avant, C'est toi, c'est forcément toi puisqu'il ne peut y'en avoir qu'un au premier regard je décolle prête à tout pour être dans tes bras même quand pendant un moistu Ŷ’LJarrives pas patiente, compréhensive, rassurante, encourageante ... 1 seconde avant, Je dis, Non, attends, tu vas trop vite Tu ris : "c'est pas ça que tu voulais ?" Entrée, sortie ... 1 seconde Ta jouissance, ma douleur Je dis ... plus rien. C'est pas ça que je voulais. Je ne savais pas et j'ai encore du mal à m'avouer que quand on dit
Trophée des Plumes 2023
Eveil
Fanny HOCQUEZ COULIBALY
Non quand on dit attends quand on dit tu vas trop vite ce n'est pas faire l'amour Đe Ŷ'est ŵġŵe pas ďaiseƌ …ça commence par un v. L’iŶstaŶt d’apƌğs …Tu dors, je veille. Caƌ tu t’es eŶdoƌŵi. Et je suis ƌestĠe là. UŶe jaŵďe hoƌsdu matelas et de la couverture. Froid. Froid glacé du sol en ciment. Froid glacé sans sentiment. Je veille ŵais je Ŷe sais pas eŶĐoƌe Ƌue Đe Ƌui vieŶt de se passeƌ ŵ’a ĠveillĠ.IŶstiŶĐtiveŵeŶt, Đolğƌe d’avoiƌ ĠtĠ tƌaitĠ Đoŵŵe uŶ oďjet. Cœuƌ et tƌipes piĠtiŶĠs foŶt plus ŵal Ƌue ŵoŶ vagiŶ perforé. Je réaliserai quatre ans après, en lisant un témoignage si proche, je comprendrai enfin cette colère sourde, ressentie après, à chaque rencontre, à chacun de tes sourires en coin, de tes tentatives de faire comme si. Comme si rien. «Coŵŵe si de ƌieŶ Ŷ’Ġtait». Jaŵais Đette edžpƌessioŶ Ŷ’a ĠtĠ aussi vƌaie.Je mets des mots sur le rien grâce aux mots sur les maux des autres. Je Ŷ’arrive toujours pas à dire « Viol ». La leĐtuƌe ŵ’ouvƌe les LJeudž. LerécitpaƌtagĠ ŵ’iŶvite au paƌtagedu ŵieŶ. J’ĠĐƌis. Ca ĐoŵŵeŶĐe paƌ uŶ v…Je retourne dans cette nuit glaciale. Glaciale parce que, quelle température celapeut avoiƌ de pƌeŶdƌe ƋuelƋu’uŶ de force ? Glaciale par sa température de chambre videŶoŶ ĐhauffĠe à 4000 ŵ d’altitude d’uŶe ville du ďout du monde. A4000 plus 4000 plus … taŶt de kiloŵğtƌesde là où je suis ŶĠe. UŶ paLJs ou l’oŶ ŵ’a suƌŶoŵŵĠe la guerrera. Et pourtant, cette bataille-là, je Ŷe l’avais pas vu veŶiƌ.Tu dors. Je veille. Tu dors parce que tu ne sauras jamais ce que tu as fait. Tu dors parce que je ne suis certainement pas la seule a Ƌui tu l’as fait. Et Ƌui Ŷ’a ƌieŶ dit.Aloƌs ŵaiŶteŶaŶt, j’ĠĐƌis.Et toi, tu dors, encore. Tu dors, depuis le jour où le jour où je n'étais plus le jouƌ où je Ŷ’Ġtais plus jele pire ce n'est pas ce que tu as fait. c'est que je ne m'en suis pas rendue compte parce que c'était normal parce que c'est comme ça parce que c'est normal de traiter une femme comme ça parce qu'une femme n'est pas un je parce qu'une femme c'est un "ça" parce qu'une femme n'est qu'un jeu on peut lui faire ça et elle ne le sait même pas parce que depuis toujours on lui a dit Répété, rabâché, martelé qu'elle n'était bonne qu'à ça il en a fallu des oreilles, des bouches et des silences pour que d'autres paroles naissent depuis j'ai décidé d'être depuis j'ai décidé d'être je
Trophée des Plumes 2023
Eveil
Fanny HOCQUEZ COULIBALY
depuis je ne suis plus ça depuis, je suis moi
Et depuis je veille. Je veille à ce que les mots sortent tôt. Pendant souvent, mais au mieux, avant. Au pire, après.
Depuis cette nuit-là, sur ce mauvais matelas posé sur ce sol de ciment froid. Les yeux plantés dans ce plafond d’où la peiŶtuƌe ĐƌaƋuelle et peŶdouille et pleuƌe aveĐ ŵoi des laƌŵes Ƌui Ŷe ĐouleŶt pas. UŶe jaŵďe au dehoƌs Đaƌ il Ŷe faudƌait ġtƌe Ƌu’uŶ daŶs Đe lit tƌop petitpour être deux surtoutƋuaŶd oŶ Ŷe s’aiŵe pas. Collée de force à ta peau iŵpeƌŵĠaďle à ŵa dĠtƌesse. N’osaŶt plus ďougeƌ Đaƌ Ŷ’aLJaŶt ƌieŶ osĠ diƌe, déjà. Statue de sel, de silence, de fin du monde, de fin de moi. Tu dors et je veille.AspiƌĠe daŶs Đet iŶstaŶt, Đette Ŷuit Ƌui Ŷ’eŶ fiŶit pas.
J’aiŵeƌaispouvoiƌ ŵ’iŶteƌpelleƌ ŵoi-même et me dire : « pousse-le sur le ciment froid ». « Récupère toute la couverture, sers-toi dans tes propres bras. Réchauffe-toi, RéchauffetoŶ Đœuƌ.Tu es la « guerrera ». Ta propre gueƌƌiğƌe. Qu’ilse réveille que tu le foutes dehors en pleine nuit, nu et bête, bête, bête ! »
Je veudž ƌĠĠĐƌiƌe l’histoiƌe.Mais elle s’est ĠĐƌite peŶdaŶt loŶgteŵps saŶs Ƌue je Ŷe ŵ’eŶ ƌeŶde Đoŵpte.Alors déjà ; écrire cette histoire.
La vĠƌitĠ, Đ’est Ƌue Đette Ŷuit-là, j’ai veillĠ, clouée. Seule,uŶe fesse ĐollĠe au ĐiŵeŶt fƌoid, Ƌui elle, s’est eŶdoƌŵie, figée. J’auƌais voulu aloƌs Ƌue tout ŵoŶ Đoƌps, mon âme soit pris de cette insensibilité. Comment quelques petites secondes font tant de mal ? Quelque chose que les non-victimes ne comprennent pas. On devrait balayer ça comme des miettes sur le revers de sa chemise après un mauvais déjeuner où on a boulotté tout le pain de la Đoƌďeille à foƌĐe d’atteŶdƌe, eŶ peŶsaŶt dĠjà au diŶeƌ.
La vĠƌitĠ, Đ’est Ƌue Đette Ŷuit-là, j’ai veillĠ, espéré. Et que je pensais au lendemain. Que fera-t-il, que dira-t-il ? Il aurait pu partir, il est resté, il ronfle là avec sa bière et son rhum comme alibi.Qu’est-ce quej’ai ďieŶ puespérer, après avoir sacrifié ma dignité aussi facilement. Je ne pensais pas que je resterais muette. Moi si grande gueule, ƌĠvoltĠe paƌ l’iŶjustiĐe, eŶ lutte ĐoŶtƌe les disĐƌiŵiŶatioŶs, ŵilitaŶte, eŶgagĠe. ReŶdu à ŵoŶ Ġtatbasique, retour à la ƌĠalitĠ d’uŶe soĐiĠtĠ Ƌui Ŷ’eŶ fiŶit pas de Ŷe pas avaŶĐeƌ. Feŵŵe, oďjet, tƌou, sileŶĐiĠe, ŶiĠe. Comment je me suis tue, ĐoŵŵeŶt j’ai suďi, aĐĐeptĠ, tolĠƌĠ?Et j’ai ĐeƌtaiŶeŵeŶt espĠƌĠ Ƌue Đe saĐƌifiĐe ŵ’appoƌte du dĠsiƌ et de l’aŵouƌ. QuaŶd Đela Ŷe pouvait Ƌu’ġtƌetout le contraire. Je ne sais même plus de quoi a été fait le matin. Il s’est levĠ, est paƌti, ŵal à la tġte, à plus taƌd, ďiğƌe, ƌhuŵ, aliďi.Fin.
C’est la Đolğƌe apƌğs Ƌui est ŵoŶtĠe. Coŵŵe uŶ ƌeŵpaƌt, pouƌ Ŷe pas LJ ƌetouƌŶeƌ.
C’est la Đolğƌe Ƌue j’ai ĠĐƌite, paƌtagĠe, slaŵĠe.C’est la Đolğƌe Ƌui a fait ĠĐho.
Ça peut être tellement sain,la Đolğƌe. C’est uŶe aƌŵuƌe de gueƌƌiğƌe. Et Ŷous soŵŵes uŶe aƌŵĠe.
Vous dormez et nous veillons. Vous dormez, mais plus pour longtemps, nous y veillerons.
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