Tchad
25.03.21
Interventions urgentes

Tchad: Arrestation arbitraire et libération de Maxvelt Yogangnan Loalngar et Mahamat Nour Ibedou

APPEL URGENT - L'OBSERVATOIRE

TCD 001 / 0321 / OBS 038
Détention arbitraire /
Tentative d’assassinat /
Libération
Tchad
25 mars 2021

L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains, un partenariat de la FIDH et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) vous prie d’intervenir de toute urgence concernant la situation suivante au Tchad.

Description de la situation :

L’Observatoire a été informé de l’arrestation arbitraire suivie de la libération de nombreux acteurs de la société civile et membres de l’opposition politique, dont Maxvelt Yogangnan Loalngar, Président de la Ligue Tchadienne des Droits de l’Homme (LTDH)[1]et Mahamat Nour Ibedou, ex-Secrétaire général de la Convention tchadienne pour la défense des droits de l’Homme (CTDDH)[2].

Le 20 mars 2021, Maxvelt Yogangnan Loalngar, Mahamat Nour Ibedou ainsi que d'autres représentants de la société civile et de l'opposition, ont été arrêtés par le Groupement Mobile d’Intervention de la Police (GMIP) en marge d’une manifestation pacifique organisée pour protester contre un sixième mandat du président maréchal Idriss Déby Itno à N’djamena. Les rassemblements, qui avaient été interdits car ils n’avaient pas fait l’objet d’une demande d’autorisation préalable et étaient « susceptibles d'occasionner des troubles à l'ordre public » selon les autorités, ont été violemment réprimés par les forces de l’ordre qui ont notamment utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser la foule. M. Loalngar a été violemment arrêté dans les locaux de la LTDH. Au cours de son interpellation, il a été frappé et un policier a tenté de lui tirer dessus. M. Ibedou a quant à lui été violemment arrêté alors qu’il se trouvait dans sa voiture, en retrait des manifestations. MM. Loalngar et Ibedou ont ensuite été transférés dans un commissariat d'arrondissement à N'Djamena.

Si M. Loalngar a été relâché le jour même sans qu’aucune charge ne soit retenue contre lui, le Procureur a décidé de proroger la garde à vue de M. Ibedou, qui a été libéré le 23 mars 2021 pour « fait non constitué ».

L’Observatoire rappelle que Mahamat Nour Ibedou est victime d’un harcèlement constant de la part des autorités depuis plusieurs mois. En effet, M. Ibedou a été arbitrairement détenu pour des accusations de « meurtre » et « complicité de meurtre » pendant plus d’un mois avant d’être libéré le 8 janvier 2020 suite à la publication par le juge d’instruction d’une ordonnance de non-lieu. M. Ibedou a par la suite été suspendu de son poste de secrétaire général de la CTDDH sur ordonnance du Tribunal de grande instance de N’Djamena.

L’Observatoire rappelle par ailleurs que la LTDH et ses membres sont également régulièrement la cible d’actes de harcèlement de la part des autorités tchadiennes.

L’Observatoire exprime son inquiétude quant à l’intensification de la répression à l’encontre des défenseurs des droits humains au Tchad à la veille des élections présidentielles qui doivent se tenir le 11 avril 2021. L’Observatoire note que d’autres manifestations pacifiques sont prévues d’ici à l’élection et appelle les autorités tchadiennes à s’abstenir de faire indûment usage de la force pour les réprimer. L’Observatoire rappelle que les libertés d’expression et de réunion sont des droits fondamentaux consacrés au niveau international[3] et que la responsabilité principale de protéger leur population incombe aux autorités du Tchad. Par conséquent, celles-ci pourront être tenues pour responsables de tout acte de violence ou de harcèlement commis à l’encontre des manifestants pacifiques, et en particulier à l’encontre des défenseurs des droits humains.

L’Observatoire salue la libération de Mahamat Nour Ibedou et Maxvelt Yogangnan Loalngar mais rappelle qu’ils n’auraient jamais dû être détenus en premier lieu, leur détention étant arbitraire en ce qu’elle ne semblait viser qu’à sanctionner leurs activités légitimes de défense des droits humains. L’Observatoire dénonce les violences commises à l’encontre des deux défenseurs lors de leur arrestation et appelle à ce qu’une enquête soit menée sur ces agissements. L’Observatoire appelle les autorités tchadiennes à mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’encontre de l’ensemble des défenseurs des droits humains au Tchad.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités tchadiennes en leur demandant de :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et le bien-être
psychologique de Maxvelt Yogangnan Loalngar et de Mahamat Nour Ibedou
ainsi que de l’ensemble des défenseurs des droits humains au Tchad ;

ii. Mener une enquête effective, indépendante et impartiale sur les
allégations de violences commises par les forces de l’ordre lors de
l’arrestation de Maxvelt Yogangnan Loalngar et Mahamat Nour Ibedou, et
de sanctionner les responsables conformément à la loi en cas de
manquements avérés ;

iii. Mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris au niveau
judiciaire, à l’encontre de Maxvelt Yogangnan Loalngar et de Mahamat
Nour Ibedou et de l’ensemble des défenseurs des droits humains au Tchad
afin qu’ils puissent mener leurs activités quotidiennes et de défense
des droits humains librement et sans entrave.

    Adresses :

    • Maréchal Idriss Deby, Président de la République du Tchad. Email : http://www.presidencetchad.org/nous_ecrire.php
    • M. Djimet Arabi, Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, chargé des Droits Humains, Email : contact@minjustchad.org
    • Mission permanente de la République du Tchad auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, Suisse. Email : mission.tchad@bluewin.ch
    • Mission permanente de la République de Tchad auprès du Royaume de Belgique, des Pays Bas, du Grand-Duché de Luxembourg, du Royaume Uni et Représentation Permanente auprès de l’Union Européenne et du Groupe Afrique Caraïbes et Pacifique, Belgique. Email : contact@ambassadedutchad.be

    Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques du Tchad dans vos pays respectifs.

    ***

    Paris-Genève, le 25 mars 2021

    Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

    L’Observatoire, partenariat de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par la société civile internationale.

    Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :

    • Tel FIDH : +33 1 43 55 25 18
    • Tel OMCT : +41 22 809 49 39

    [1] La LTDH est une ONG de défense et de promotion des droits humains, œuvrant pour la bonne gouvernance au Tchad, en Afrique et dans le monde.

    [2] La CTDDH a pour but d’œuvrer pour la paix, la liberté et pour le respect des droit fondamentaux de la personne humaine, de lutter pour la promotion de la démocratie et le développement du pays, d’œuvrer pour la promotion de la bonne gouvernance.

    [3] Notamment aux articles 19 et 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966.