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Tchad: l'opposition appelle à manifester, des troubles à Ndjamena et en province

La transition tchadienne a donc choisi hier, lundi 26 avril, son Premier ministre. Le chef du Conseil militaire de transition, Mahamat Idriss Déby, a nommé Albert Pahimi Padacké à cette fonction. Un choix accueilli diversement. Certains mouvements d'opposition et de la société civile ont annoncé des manifestations ce mardi et de premiers graves incidents ont été signalés. Au moins cinq personnes ont été tuées, une à Moundou dans le sud du pays et quatre à Ndjamena, a confirmé le procureur à l'AFP. 

Manifestation à Ndjamena, mardi 27 avril 2021.
Manifestation à Ndjamena, mardi 27 avril 2021. © RFI
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Des manifestants se sont réunis très tôt ce mardi matin à Ndjamena – notamment dans les 7e et 9e arrondissements malgré l’interdiction de manifester des autorités, rapporte notre correspondante à Ndjamena, Aurélie Bazzara-Kibangula. Des manifestations ont eu lieu aussi dans d'autres villes du pays et à Moundou où un manifestant, un jeune homme de 21 ans, a été tué par balle. Une personne a aussi été tuée par balle à Ndjamena. Selon le procureur, une femme a également été tuée à Ndjamena, a-t-il affirmé à l'AFP. Elle se trouvait dans un bus qui a été attaqué par des manifestants, selon le procureur.

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Michel Barka, président de l'union des syndicats du Tchad

Alexandra Brangeon

À la mi-journée, des interventions étaient encore en cours, par exemple au quartier Moursal, dans le 6e arrondissement, où des pneus brulaient dans chaque ruelle, et où des tirs raisonnaient encore. Le calme était revenu dans le reste de la capitale alors que les traces des affrontements étaient encore visibles. Il y aurait une vingtaine de blessés par balle selon une source hospitalière. Parmi ces blessés, il y a le rappeur Ray's Kim. Avec la coordination des actions citoyennes, c'est l'un des initiateurs de ces marches. Il a reçu quelques soins d'urgence à l'hopital et il est reparti pour des raisons de sécurité, signale l'un de ses amis. Les organisations de défense des droits humains dénoncent de nombreuses arrestations.

Des manifestations de Moundou à Sarh

En dehors de Ndjamena, on a surtout manifesté dans le sud du pays. À Moundou la capitale économique du pays, une centaine de jeunes se sont déployés par petits groupes sur l’axe qui relie l’aéroport au centre-ville de la capitale du Logone Occidental, dès l’aube. Ils ont érigé des barricades et brûlé des pneus avant d’être dispersés par les forces de l’ordre qui ont tiré des gaz lacrymogènes et à balles réelles, selon les organisateurs et la société civile. En plus du jeune tué à Moundou, les organisateurs de la mobilisation parlent de plusieurs autres blessés et d’une dizaine d’arrestations.

►À écouter aussi : Appels sur l'actualité - [Vos réactions] Tchad : «pas question de dialoguer»

À Doba, cette fois dans le Logone Oriental, quelques centaines de jeunes ont envahi les rues dès 5 h du matin, pour dire non au CMT (Conseil militaire de transition) ainsi qu'à l’ingérence française. Là aussi la police et les gendarmes sont intervenus à coups de gaz lacrymogène et de tirs alors que les manifestants s’approchaient de la place de l’indépendance. Selon les organisateurs, il y a deux blessés, l’un a été touché par une bombe lacrymogène et l’autre aurait été tabassé par un agent de l’ANR.

Des dizaines de jeunes ont tenté de manifester par petits groupes dans la ville de Sarh, c’est la troisième ville du pays. La police est intervenue et les a dispersés. Pas de blessés ni d’arrestation, selon des activistes de la société civile, joints sur place. Enfin, il y a Mongo dans le centre du Tchad. Là aussi des dizaines de jeunes ont tenté de manifester « leur ras-le-bol » selon l’un des organisateurs.

Répression importante

Les forces de l'ordre, policiers et militaires sont très mobilisés. Des gaz lacrymogènes ont été tirés pour disperser ces groupes de manifestants. Les grands axes sont verrouillés par les forces de l'ordre. La répression est plus forte que pour les précédentes manifestations, selon notre correspondant à Ndjamena, Madjiasra Nako. En plus, des policiers et gendarmes, l'armée est descendue dans la rue tirant à balle réelle. Les forces de l'ordre se sont aussi introduit dans des concessions où certaines personnes ont été brutalisés alors qu'elles ne participaient pas aux manifestations. Ils sont déployés autour des carrefours, des ronds-points et devant les bâtiments officiels. Dans le centre-ville de Ndjamena, c'est le calme qui règne sous l'œil des corps habillés durant la matinée, rapporte notre envoyé spécial à Ndjamena, François Mazet.

En fin de matinée, le président du Conseil Militaire de Transition, Mahamat Idriss Déby a annoncé qu'il s'exprimera à 14h (15h TU). La présidence de la République a déjà diffusé un extrait de son discours. « Chacun d'entre nous doit comprendre que tout acte, toute attitude et tout comportement contraire à l'unité nationale au vivre ensemble et à la paix est une grave préjudice causé à la nation », explique Mahamat Idriss Déby.

Dans la capitale depuis ce matin,  les manifestants brandissent des pancartes sur lesquelles on peut lire « Non à une monarchie au Tchad ». Des pneus ont également été brûlés, dégageant une épaisse fumée noire. D'autres crient : « Il faut remettre le pouvoir aux civils » ou encore « Non aux soutiens de la France ! »  Il y a un fort sentiment anti-français chez les manifestants. Une station Total a été saccagée. « Ce n'est qu'un avertissement » affirme un manifestant qui dénonce l'ingérence de la France dans les affaires intérieures du Tchad.

Manifestation à NDjamena, mardi 27 avril 2021.
Manifestation à NDjamena, mardi 27 avril 2021. © RFI

C'est surtout dans le 9e arrondissement que l'on a observé la plus forte mobilisation, rapporte notre correspondant à Ndjamena, Madjiasra Nako. Les manifestants ont même réussi à bloquer la route nationale qui va jusqu'au sud du pays. Ce qui a obligé les forces de l'ordre à bloquer la circulation sur certains ronds-points.

 

Déception de Ndjamenois à la suite de la nomination d'Albert Pahimi

La désignation d'Albert Pahimi Padacké comme chef du gouvernement de transition a été une nouvelle surprise pour les Ndjamenois qui s’attendaient à ce qu'un nouveau visage politique prenne les rênes de l'exécutif. « On fait du neuf avec du vieux », nous lance un commerçant du marché à mil. « Ça nous montre que rien ne va changer », nous dit une vendeuse un peu plus loin.

L'opposition et la société civile ont décidé de faire pression ce mardi sur le Comité militaire de transition et d'exiger sa démission. La coalition d'opposition et de la société civile Wakit Tamma avait appelé à manifester contre la transition actuelle menée par les militaires. Mais il ne s’agissait pas d’une marche à proprement parlé, d’ailleurs le lieu de rendez-vous indiqué aux autorités était vide à l’heure dite.

Abbas Alhassan, un des cadres de la Convention tchadienne pour la défense des droits de l’homme, l’organisation de Mahamat Nour Ibedou, membre de Wakit Tamma, nous expliquait lundi, au micro de nos envoyés spéciaux, François Mazet et Boris Vichith, pourquoi il allait manifester et lançait un appel aux forces de sécurité. 

Nous ne sommes pas armés, ni violents ! Nous exerçons un droit reconnu par la Constitution. nous manifestons notre colère pacifiquement

00:51

Abbas Alassane lance un appel aux forces de sécurité

François Mazet

 

Dans la classe politique, tous s'accordent à dire que le défi d'Albert Pahimi Padacké est de taille : convaincre opposition et société civile de former un gouvernement d'union nationale. Un défi qu'il doit relever en quinze jours, selon la charte de transition.

À lire aussi : Au Tchad, réactions mitigées de la classe politique à la nomination d'Albert Pahimi

À écouter aussi : Albert Pahimi: «J’accepte d’être Premier ministre du Tchad, car l’heure est à l’union sacrée» 

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